Comme à chaque fois, j'étais arrivé assez tôt au restaurant. Je me suis planté devant quelques minutes pour le regarder de l'extérieur. J'aimais toujours autant venir chaque jour pour travailler ici. Ça avait pas vraiment plu à mon père quand je lui ai annoncé que je voulais juste bosser dans un restau', il me voyait faire de grandes études, peut-être même arriver dans le droit ou peut-être même la médecine, mais moi ce qui m'a toujours plus c'est la cuisine. J'ai acheté ce bâtiment il y a quelques années avec l'aide de ma mère et j'ai tout rénové. Je suis tellement fier de moi, c'est un peu comme ma deuxième maison ici.

Je suis entré et j'ai commencé à préparer les tables, j'ai fais un brin de ménage par ci par là, même si j'ai des employés pour ça, je mets toujours un peu la main à la patte, j'ai pas envie de jouer le rôle du gérant qui reste le cul dans son fauteuil toute la journée et qui n'en branle pas une. J'aime cet endroit, j'aime mes clients, j'aime aussi mes employés alors je peux pas rester les bras croisés. Les premiers sont arrivés un peu après moi, le chef cuisinier en premier. Tous les jours, je venais l'aider en cuisine. Ce soir-là, on prévoyait pas mal de monde au restau, presque toutes les tables étaient réservées et le reste allait sûrement être pris pendant la soirée, il fallait qu'on assure. C'est souvent ça le week-end, je commençais à m'habituer à la pression depuis le temps.

Il y avait du monde dans les rues du Centre, on voyait beaucoup de personnes qui allaient et venaient en face du restaurant, les premiers clients sont vite arrivés et dans l'enceinte du restaurant, on s'est vite rapprochés du tumulte de dehors. Les serveurs qui allaient et venaient prendre les commandes ou apporter les plats, les boissons... Les clients qui se levaient, s'asseyaient, parlaient, s’esclaffaient ... C'était bruyant, on entendait les verres, les couverts, les bruits des assiettes, les voix ... Mais j'aimais plutôt ça, le bruit. C'était le meilleur son que je pouvais entendre, en tant que gérant : mon restaurant marchait plutôt bien, les gens aimaient venir ici, qu'est-ce qu'il me faut de plus ?

Au bout d'un moment on s'est retrouvés débordés. Les serveurs galéraient un peu alors je suis allé aider. Je suis sorti à l'extérieur voir comment ça allait, j'ai apporté quelques plats à certaines tables puis je suis allé accueillir les nouveaux arrivants pour les conduire à leur table. Un premier couple est arrivé et je les ai emmené à l'intérieur. Quand je suis revenu à l'entrée du restau' il y avait un jeune garçon aux cheveux blonds qui semblait attendre son tour. Je me suis approché, je l'avais jamais vu par ici. Je lui ai sourit et je me suis adressé à lui.

" Bonsoir, c'est pour manger ? Vous aviez réservé ? "

J'ai regardé quelques instants le jeune homme, il regardait un peu partout comme s'il était à la fois perdu mais qu'il était aussi émerveillé par tout ce qu'il voyait. En fait, on aurait dit un enfant qui ne connaissait encore rien et qui avait tout à découvrir. Il a mis un moment à me répondre et encore c'était pas vraiment une réponse c'était plutôt des hésitations ...

Un peu étrange quand même, il disait déjà avoir mangé et être là juste pour regarder, c'était la première fois que quelqu'un me faisait ce coup là, je l'ai regardé un peu bizarrement, en penchant la tete sur le côté puis je lui ai sourit en haussant les épaules.

" Bah ... Comme vous voudrez ! Vous pouvez rester encore un peu si vous voulez... "

Ca ne me dérange pas spécialement qu'il regarde en fait, c'est juste qu'il avait vraiment l'air perdu, peut-être qu'il avait besoin de quelque chose ? Il n'a pas l'air d'un Sudiste ou de quelqu'un de l'Ouest pourtant.

" Vous avez l'air perdu, vous voulez un renseignement sur quoi que ce soit...? "

J'ai attendu un peu qu'il me réponde, il avait l'air totalement absorbé par ce qui se déroulait autour en fait, je me suis même demandé s'il avait entendu ma question mais il a de nouveau levé la tete vers moi et il m'a finalement répondu, il voulait savoir s'il me restait une table pour prendre un thé. Ca m'a semblè un peu ètrange au début, on vient rarement demander juste une boisson ici mais il avait l'air un peu à la ramasse en fait, il semblait pas très à l'aise en fait. Je lui ai montré une table libre pas loin du comptoir.

" Il y a de la place ici, vous pouvez vous y asseoir je vous apporte la carte des boissons. "

Je l'ai conduis jusqu'à la table avant de partir derrière le comptoir pour chercher le dit menu avant de le lui rapporter pour qu'il choisisse ce qu'il voulait comme thé, on en a pas des masses, c'est pas un salon de thé ici, mais en général j'essaye d'avoir un peu de tout

J'ai attendu un peu, non loin de sa table, parce que je n'avais rien à faire pour le moment, je regardais autour tout en attendant de voir s'il choisissait quelque chose. Je l'ai vu regarder puis faire une tête un peu étrange avant de fouiller dans ses poches. Je me suis approché quand il m'a adressé la parole. Il a oublié son argent chez lui, déjà que je le trouvais étrange ... Par contre, il m'a directement proposé de me laisser quelques chose et de venir me payer le lendemain. J'ai juste acquiescé, pourquoi pas, si j'ai une carte d'identité ou quelque chose comme ça... Il a posé un objet sur la table, j'ai regardé pour voir et j'ai beugué. Une montre à gousset, visiblement en or. Je l'ai prise dans ma main pour la regarder de plus près. Je connais ce blason, c'est celui de la famille D'Etherion. Qu'est-ce qu'il fait avec ça sur lui ? C'est un membre de la famille ? J'ai haussé un sourcil, c'est rare d'en voir par ici, déjà que moi je suis issu d'une famille assez noble et connue quand même, ça c'est la barre encore au dessus.

Il m'a demandé d'apporter la montre au gérant et de lui demander si cela fera l'affaire en attendant son paiement avant que je ne puisse dire quoi que ce soit. Il est plutôt bien tombé, c'est moi le gérant, il m'a devant lui en personne.

" Je suis le gérant de ce restaurant, Judas Ashmore. "

Je lui ai sourit et j'ai regardé la montre à gousset sous toutes les coutures. Franchement, j'avais jamais entendu parler d'un gosse comme lui chez les d'Ethérion. Je l'ai observé, lui aussi, il avait l'air carrément perdu, bizarre si c'est un membre de leur famille, ils sont centristes...

Du coup, je l'ai vu me regarder fixement. Comme s'il essayait de se souvenir de certaines choses. Après tout, on est aussi une grande famille alors c'est fort probable qu'il ait entendu parler de nous. Même si notre famille risque de ne pas perdurer longtemps. Il n'y a plus que ma mère qui a déjà perdu ses deux frères avant même qu'ils puissent avoir une descendance et moi j'ai une petite soeur mais bon, on ira pas loin comme ça. Enfin bref, j'ai levé la tête vers lui, il a récité mot pour mot la devise de ma famille en latin avant de se présenter. Sylph d'Ethérion... Je savais qu'il y avait peut-être quelques survivants dans leur famille mais je ne savais pas qu'ils étaient par ici. Ex tenebris lux, leur devise, si je me souviens bien. Mais je suis pas très formel là-dessus, je suis plutôt du genre à pas me prendre la tête avec les formalités, après tout on est pas non plus dans les meilleures familles du Centre non plus.

" Enchanté, monsieur D'Ethérion. "

Je lui ai sourit, j'ai fais glissé la chaine de sa montre à gousset entre mes doigts en la regardant toujours, elle était vraiment belle, il y avait eu un beau boulot dessus. Je lui ai rendu.

" Je vous la laisse, revenez demain, ça me suffira. "

J'allais pas garder quelque chose d'une aussi grande valeur ici, juste pour un pauvre thé, s'il est vraiment de bonne foi il reviendra et de toute façon, maintenant je sais de quelle famille il vient, un noble comme lui a ce qu'il faut pour me payer, je vais pas l'embêter plus avec ça.

" Vous avez choisi ? Que j'aille faire votre thé~ "

Même quand je vouvoie quelqu'un c'est exactement comme si je le tutoyais, je suis très respectueux mais ça colle tellement pas avec mon caractère qu'on a souvent l'impression que je parle à des amis mais en général ça ne gêne pas trop les gens. Je pense que le plus étrange pour eux c'est de voir un Ashmore faire la cuisine et servir des gens dans un restaurant mais moi c'est ce qui me plait ~

Judas ne me rend pas la politesse. J'en ai sûrement fait trop. Que doit-il penser de moi maintenant ? Non vraiment, j'ai encore beaucoup de progrès à faire. Et pendant que je me lamente sur la nullité de ma performance, lui prend la montre et la fait jouer entre ses mains. Finalement, il me la rend et me dit que je n'aurais qu'à repasser demain. Comme quoi, être de bonne famille a des avantages.

Il me redemande ce que je désire comme thé. Je repose la montre sur la table et je me replonge alors dans la carte. Il n'y a que quelque thé, mais j'y trouve mon préféré. C'est un thé noir produit dans la banlieue du Sud. Je l'indique au serv... à Judas.

"Je prendrais ce Thé, s'il-vous-plait. Avec du sucre. Et du lait, aussi."

Il a eu l'air pensif et il a fait une drôle de tête. Je crois qu'il s'attendait à ce que je lui rende la politesse, mais c'est vraiment pas mon truc, ça semble pas naturel avec moi. Il doit pas être bien vieux d'ailleurs, je sais même pas s'il est majeur... C'est plutôt marrant en fait, il a une bonne tête. Je me suis approché et j'ai ébouriffé ses cheveux, comme si je le connaissais depuis un moment.

" Fais pas cette tête, les formalités c'est vraiment pas mon truc, j'aurais l'air ridicule, vaut mieux pas que tu vois ça ~ "

J'ai écouté sa commande du coup et j'ai tourné les talons pour aller préparer le thé, mes autres employés étaient déjà bien occupés, je n'allais pas leur laisser du boulot en plus. Je lui ai rapporté un peu après une petite théière, il y a en général de quoi faire deux ou trois tasses avec.

" Voilà voilà, laisse juste infuser encore un peu ça sera parfait ~ "

Alors que je m'apprétais à retourner voir si on avait besoin d'un peu d'aide ailleurs, j'ai entendu le petit D'Ethérion qui m'appelais encore. D'ailleurs, il m'a tutoyé, ça m'a fait un peu étrange au début mais je m'en fiche un peu, ça m'a même fait sourire. Je me suis retourné vers lui, j'ai penché la tête sur le côté, les bras croisés sur mon torse et j'ai levé un sourcil en le regardant l'air de dire "oui quoi?" Et je me suis rapproché un peu. Sa question m'a un peu surpris, il m'a demandé pourquoi j'étais aussi gentil...

" Pourquoi je ne le serais pas ? "

J'ai continué de sourire et je l'ai observé, les deux mains posées sur sa table.

" Je suis pas distant gratuitement, j'aime bien considérer mes clients comme s'ils étaient mes amis ~ Après ça ne plait pas à tout le monde je te l'accorde ! "

J'ai été habitué depuis gosse à être très à l'aise à l'oral avec les autres, par contre on me disait toujours d'être très formel, ce genre de chose, moi j'ai toujours été proche des gens et je préfère être naturel que de me forcer à garder une certaine distance.

Judas se retrouve maintenant appuyé sur la table. La proximité m'impressionne. Tout comme sa réponse. Moi qui ai accepté de m'enfermer à cause de l'intolérance des gens, voilà que je tombe sur un modèle de gentilesse et d'ouverture. Est-ce ça qu'on appelle l'ironie du destin ?

Je repense au derniers mois que j'ai passé au collège, avant de rester chez moi pour de bon. C'était un enfer sans nom, pour l'enfant que j'étais. Pourquoi tous mon entourage a fini par mettre des distances ? Leur avais-je vraiment donné une raison de le faire ? Je n'étais pas dangereux. Pas plus que je ne le suis maintenant. Je fronce les sourcils à cette simple pensée. Ce que les gens sont bêtes et fermés d'esprit. Je prends une voix plus basse :

"C'est bien vrai, tout le monde ne pense pas comme ça... Et c'est bien dommage..."

Je commence à ouvrir le pot de sucre pour en mettre une cuillère dans la tasse, avant de verser délicatement du thé dedans. Puis j'entreprends de remuer le tout délicatement avec ma cuillère.

Je l'ai regardé un moment. C'était encore un gosse, ça se voyait, pas seulement physiquement mais à ses mimiques, l'expression de son visage, c'était un tout. Il avait l'air un peu perdu, comme s'il savait pas vraiment où il en était, ce qu'il devait faire...

" Oui, malheureusement. "

En même temps, on vit dans un pays où la moitié des habitants sont des réfugiés qui vivent dans des bidonvilles et on les aide pas, ça montre bien le niveau de solidarité ~ Je l'ai regardé tourner sa cuillère dans la tasse pour mélanger le sucre, j'ai rien dit de plus.

La conversation devenait sombre et me mettait mal à l'aise. Tant de mauvais souvenirs qui remontaient, tant de mauvaises pensées. Je prenais le lait et en versais un nuage dans la tasse. J'adorais regarder les vagues de lait se propager et envahir le thé, jusqu'au moment où je venais les faires tourbilloner avec ma cuillère.

Judas se tenait toujours devant moi. Il m'observait remuer ma cuillère, comme il l'avait fait quelques minutes plus tôt, à l'entrée du restaurant. Et j'avais toujours cette étrange impression au fond de moi, que je pouvais lui faire confiance, qu'il voyait clair en moi. Je décidais de continuer la conversation, avant que lui ne se décide à repartir en cuisine, ou s'occuper d'une autre table.

"Cela fait longtemps que... Que tu tiens ce restaurant ? Je veux dire...Euh.. Comment ça t'est venu ?"

Il avait vraiment l'air pensif, depuis quelques minutes, on aurait presque pu voir un petit air triste se dessiner sur son visage mais il a directement embrayé sur une nouvelle question à mon attention. Peut-être qu'il parlait pour éviter que je ne reparte, il cherchait peut-être juste quelqu'un pour discuter. Je me suis accoudé à la table et je l'ai regardé. Il m'a posé quelques questions sur le restaurant...

" Ça fait sept ans que je tiens le restaurant, j'avais vingt-et-un ans quand j'ai racheté le local, j'ai tout refait à neuf. J'ai toujours aimé ça, la cuisine, le contact avec les gens, j'aime bien discuter... Je ne le fais pas seulement pour être gérant, rester assis et faire des papiers c'est pas mon truc, c'est une vraie passion. Ça a pas vraiment plu à mon père au début mais j'ai voulu faire ce que je voulais de ma vie et je regrette pas. "

J'aime tellement ce métier, je suis heureux de venir ici tous les jours, c'est un vrai bonheur de pouvoir faire ce qu'on aime comme travail. Je devais presque avoir les étoiles dans les yeux, ce genre de choses quand je parlais de ma passion pour mon restaurant, c'est limite tout pour moi alors, j'aime toujours autant discuter de ça avec les nouveaux venus qui ne connaissent pas encore toute l'histoire.

Sa réponse n'a fait que me rendre plus admiratif encore. Il avait réussi à faire ce qu'il voulait de sa vie. Pas de regret, du plaisir et de la joie. Du travail, de clients, un lieu. C'était donc pour ça qu'il me semblait tellement à l'aise depuis le début. En fait, le mot que je cherchais était peut-être simplement épanoui. Cet homme devant moi était un homme comblé. Ce n'était pas simplement du bonheur qui l'animait quand il parlait. C'était de la passion ! Qu'est-ce qu'un gamin comme moi pouvait bien lui apporter ? J'avais tout à apprendre, et rien à donner.

En l'écoutant me parler de son restaurant, je pris la tasse de la main droite, et la soucoupe sur laquelle elle reposait de la main gauche. J'élevais le tout jusqu'à ma bouche afin de déguster de thé. Et c'est là que le drame se produisit. En quelques secondes, tout s'accélère dans ma tête. Mon coeur bat à la chamade, mes yeux s'écaquillent. La panique s'empare de moi. Je me sens piégé. Je ne sais plus quoi faire. Me cacher. Je dois me cacher. Il ne doit pas me voir ici. Mon tuteur, Ilian, vient de franchir la porte du restaurant. Et s'il me voit, il comprendra vite que j'ai fugué.

A sa vue, je manque de recracher tout le thé que j'étais entrain de boire, et je le sens. J'émets un bref flash de lumière, comme à chaque fois que je perds le contrôle. Je me parle à moi-même,par réflexe :

"Oh mon dieu, qu'et-ce qu'il fait là ?"

Et sans attendre une seconde de plus, je me glisse sous la table, en espérant que la nappe va me cacher, et que Judas ne va pas trahir ma présence involontairement.

J'étais toujours à la même table que lui, debout. Je l'observais, il a commencé à boire son thé tranquillement. Vu comment il tenait sa tasse, ça se voyait qu'il avait été bien élevé, avec les bonnes manières et tout ce qu'il va avec. Un vrai petit noble, c'est plutôt mignon en fait. Sauf qu'à un moment, je l'ai vu écarquiller les yeux. Je me suis demandé ce qu'il avait, je l'ai regardé avec un regard un peu interrogateur. Il a tourné la tête dans la direction de l'entrée et là j'ai vu un client entrer dans le restaurant. Il le connaissais ? Il a eu l'air choqué, il avait l'air d'avoir peur même. J'ai pas trop compris mais quand j'ai tourné la tête vers lui, il avait disparu. Je l'ai cherché des yeux, il venait de se cacher sous la table. Je n'allais pas lui poser de questions, il avait sûrement ses raisons je ne vais pas le dénoncer. Je l'entendais se demander à lui-même ce que cet homme faisait là. Je suis allé accueillir l'homme sans rien dire à propos de Sylph, j'ai même pas regardé dans sa direction, en espérant que la nappe le cache bien. J'ai orienté le client vers une table, assez loin de celle du jeune garçon, dans la salle d'à côté puis je suis revenu voir s'il était sorti de sous la table.

Je n'ose pas bouger de là où je suis. Si jamais il me voit, l'aventure s'arrêtera avant même d'avoir pu commencer. Et avouons-le, ça sera dommage. Je vois les pieds de Judas s'éloigner. Il doit sûrement s'occuper de recevoir et de placer Ilian et les quelques personnes l'accompagnant. C'est quand même dingue. Parmi tous les restaurants du centre-ville, il fallait que je prenne celui où Ilian avait décidé de venir ce soir-là.

Je patiente, et tente de réfléchir à une solution. La salle est grande, mais quasiment toutes les tables doivent avoir vue sur la porte d'entrée. J'ai peu de chance de pouvoir sortir comme ça. Je n'ai pas non plus trop de moyen de me déguiser. Je vais peut-être devoir attendre qu'Ilian s'en aille. A moin qu'il n'existe une autre sortie ?

Au moment où j'en arrive à me poser la question, je reconnais Judas qui s'approche de la table et s'y arrête. Je soulève un bout de nappe et m'adresse à lui à voix basse :

"Le client que tu viens de placer... Il ne faut pas qu'il me voit ! Sinon je suis fichu. C'est mon précepteur. Pour tout t'avouer, je ne devrais pas être ici... Tu aurais pas un moyen de me faire sortir sans qu'il me voit ? Une autre sortie, par exemple ? S'il-te-plait je t'en supplie Judas..."

Je suis revenu vers la table où s'était caché Sylph. Il y était toujours, je le voyais , la nappe ne le couvrait pas tout entier. Ça m'a un peu fait sourire car je trouvais ça amusant de le voir là-dessous mais ça ne devait pas vraiment être un jeu pour lui là. Quand il m'a entendu m'approcher, j'ai vu un bout de nappe se soulever et sa tête passer en dessous. Il m'a avoué que le client qui venait d'entrer ne devait pas le voir... Son précepteur apparemment. J'en ai déduis qu'il s'était enfuis de chez lui en cachette, quelque chose comme ça et qu'il ne valait mieux pas qu'on le voit dehors.

" Suis moi. "

J'allais l'aider à sortir par la porte de service, derrière les cuisines. Je l'ai laissé sortir de sous la table, quelques clients regardaient la scène un peu étrangement, j'ai essayé de faire vite pour pas que ça se remarque trop, je l'ai pris par le poignet et je l'ai tiré derrière moi jusqu'aux cuisines, je l'ai emmené jusqu'à la porte.

" Je ne vais pas te poser plus de questions ça ne me regarde pas mais tu peux passer par ici tu tombera dans une ruelle, tu aura juste à tourner à droite et encore à droite au bout de la rue, tu débouchera sur la place publique. "

J'ai ébouriffé ses cheveux une nouvelle fois, d'un côté ça me rappelle moi quand j'étais plus jeune et que je tentais d'échapper à mon père quand il a voulu m'envoyer dans des grandes écoles qui ne m'intéressaient pas, ça m'a fait sourire.

" Reviens quand tu veux, je te ferais un autre thé, tu pourra prendre le temps de le boire. Et si tu as besoin de quoi que ce soit je suis toujours à l'écoute, je suis pas du genre à balancer ~ "

Judas m'attrape et me sort rapidement de sous la table. Il me saisit par le poignet, ce qui me fait un drôle d'effet. Jamais quelqu'un ne m'avait attraper comme ça. Et encore moins pour me trainer à toute allure vers les cuisines. Là, il me fait sortir par la porte de derrière. Après quelques indications, il m'ébouriffe une fois de plus la tête et en me regardant, il a comme un temps d'arrêt. Il penche légèrement la tête sur le côté et me sourit. Ce sourire respire une gentillesse tellement nouvelle pour moi. Une gentillesse gratuite, qui n'attend rien en retour. Et je n'ai qu'une seule envie, c'est de parler avec lui, de tout lui raconter, de tout partager. Mon premier ami, en 5 ans.

"Je reviendrai demain, c'est promis. Nous prendrons le temps d'en discuter. Ca serait trop fastidieux pour que nous ayions cette conversation ici et maintenant. Disons que je reviendrai pour 22h30 ?"

Je commence à marcher dans la direction qu'il m'a indiquée, mais au bout de quelques pas, je me rends compte que j'oublie quelque chose. Quelque chose de primordial. Je me retourne vers Judas :

"Merci."

Mais pas un merci de politesse, comme on me l'avait toujours appris. Pas un merci vide de sens. Un merci vrai. Pensé, et mérité. Après cela, je me retourne et je reprends la route du château.

*******************************************************************************
Je pense qu'on peut conclure ici, sauf si tu veux que Judas aille aborder et mener l'enquete du coté d'Ilian ?
La fin formelle se fait -> ici <- . J'y rédigerai encore un ou deux passage avant de revenir "demain". Ou pas ? Mystèèèèèèères... 8D