Il était peut-être un peu tôt pour dire que ce chemin de ma chambre jusqu'à l'extérieur du château était devenu un réflexe ou une habitude. Mais je me sentais très familier avec. J'avais cette étrange sensation de déjà-vu, et ce depuis mes premières explorations.

Alors que je me faisais la réflexion, je refermais la porte cachée qui menait au tunnel. Et je me dirigeais vers le restaurant de Judas, avec dans la poche de mon manteau, quelques pièces pour payer le thé de la dernière fois, ainsi que celui que je comptais prendre ce soir. Je les avais subtilisées dans l'un des coffres du château, après avoir récupéré la clef adéquat dans le bureau de mon oncle.

Je marchais donc dans les rues du Centre, sans pour autant me précipiter. Je m'autorisais quelques détours, afin de mieux apprendre à connaitre la ville. Je reconnaissais certaines tavernes, certains magasins. J'en découvrais d'autres. Cela faisait si longtemps que je n'avais plus arpenté les rues de cette ville.

J'étais en plein Centre. Ça faisait un moment déjà que je marchais. Ça faisait sûrement même un mois que j'essayais d'échapper aux policiers, depuis que j'ai réussi à m'enfuir. Ils ont exécuté maman mais moi ils m'ont enfermée... Pourquoi avoir fait ça ? Du coup j'ai passé six ans là-bas sans pouvoir sortir, mais je suis plus intelligente qu'eux. Maintenant je suis dehors et c'est eux qui s'amusent à courir comme des chiens après un nonos pour essayer de me retrouver. Je les aurais pas laissé attendre que je sois assez âgée et trop jolie pour qu'ils puissent faire ce qu'ils voulaient de moi, attendez. Bon ... Par contre je ne connais pas le Centre... Je ne sais absolument pas où est-ce que je dois aller ! Est-ce que c'est grand ? Les gens sont-ils gentils ? Est-ce qu'il y a eu des avis de recherche comme dans les films pour qu'on m'attrape et m'échange contre une somme astronomique d'argent ? Mais ils sont tous riches ici à ce que j'ai cru comprendre... Bah, les riches veulent devenir toujours plus riches, c'est comme ça... Enfin je crois.

Tout ce que je sais c'est que je viens de la banlieue Ouest. Je ne sais pas grand chose sur mon père, j'ai jamais vu de photos et j'avais que cinq ans la dernière fois que je l'ai vu, je me souviens pas réellement, je crois qu'il avait les cheveux noirs comme les miens, mais ça ne va pas beaucoup m'avancer ça. C'est par où l'Ouest ? C'est loin ? J'ai beau connaître beaucoup de choses, je n'ai pas encore pu mettre tout ça en pratique, j'ai eu du mal à trouver un endroit où dormir et à manger ces derniers temps. Pour l'argent, je me suis débrouillée, j'ai réussi à vider des distributeurs de nourriture pour récupérer à manger et de l'argent, ça aide de pouvoir comprendre rapidement comment les choses marchent et comment les démonter... Mais j'aime pas spécialement voler, c'est mal !

A un moment, alors que je suis sortie d'une rue, je suis tombée nez à nez avec un policier. Je l'ai regardé, il m'a regardée. Zut. Je suis partie en courant. Il m'a coursée en appelant des collègues à lui. Je me suis concentrée, il fallait que j'analyse vite fait, je devais les semer. J'ai pris plusieurs rues à la suite, j'ai fais que de tourner. Je les ai plus entendus mais j'ai continué de courir il fallait que je m'en aille le plus loin possible parce qu'ils allaient chercher dans le coin... BOUM. J'ai percuté quelqu'un, je suis retombée en plein sur les fesses, c'est ça de courir sans regarder devant soi...

" Désolée ! "

Alors que je continuais de m'émerveiller devant la beauté nocturne de la ville, quelque chose vint me projeter en avant. C'était une jeune fille qui me venait de me percuter. Elle courait sans regarder devant elle, et le choc la fit tomber en arrière. Tandis que je reprenais mon équilibre, je me retournais et vis la jeune fille assise par terre, qui s'excusait.

"Oh ce n'est rien, tout va bien ?"

Je tendais alors la main vers elle, en l'observant. Elle semblait un peu paniquée, sa voix et son rythme de respiration semblaient trahir un agitement certain. Fuyait-elle quelque chose ? Etait-elle en retard quelque part ?

Le jeune garçon que je venais de bousculé s'est retourné vers moi et il m'a tendu la main. Je l'ai prise pour me relever et je l'ai regardé. Il ressemblait un peu à un ange, tout blond, la peau pâle contrairement à moi qui ait la peau bien bronzée et les cheveux noirs, comme mon père dont je ne me souviens pas le visage. Je me suis un peu penchée en avant par politesse pour m'excuser encore une fois, mais j'étais un peu pressée il fallait pas que je traine.

" Encore désolée ! "

Je me suis remise à courir puis je me suis dis que je pourrais peut-être me renseigner auprès de lui, c'est un jeune, sûrement riche -un très bon parti pour un mariage en plus sûrement huhuhu- et il a pas l'air méchant alors autant en profiter. Je me suis rapprochée de lui.

" Excuse moi ! Sais-tu où est-ce que je pourrais aller pour être tranquille et isolée ? Enfin qu'on ne puisse pas me trouver ...? "

J'ai cru entendre des bruits de pas pressés dans une rue à côté, j'ai regardé autour, un peu stressée.

Elle me paraissait extrêmement jeune. A y regarder de plus près, elle avait à peine dix ans, peut-être onze ou douze. Mais ce n'était pas un age pour être dehors à cette heure. Encore moins pour courir. Elle s'était excusée assez poliment et avait repris sa course, avant de revenir vers moi. Elle cherchait un endroit calme, isolé, pour se cacher. Elle ne semblait pas tellement paniquée, juste pressée. Cela m'intriguait. En général, les gens pressés sont souvent un peu paniqué. Parfois beaucoup. Mais au moins un peu. Elle, en revanche, semblait méthodique.

Je lui proposais donc de m'accompagner au restaurant. Cela brisait un peu les conventions, et était à proprement parler tout à fait inapproprié. Inviter une pure inconnue au restaurant, après 10 secondes de discussion n'était pas tout à fait inscrit dans l'étiquette. Mais nos codes de conduite ne nous disent pas quoi faire quand une fillette vous rentre dedans. Je voulais d'abord en savoir plus sur elle. Elle n'avait pas l'air bien méchante, et je dirais même qu'elle inspirait l'envie de l'aider. Mais je ne pourrais rien faire pour elle si je n'en savais pas plus.

"Cela te dirait de venir avec moi ? Je me dirige vers un restaurant donc je connais le gérant. J'y vais moi aussi quand je veux être seul et tranquille, justement. Nous pourrons peut-être déjà y discuter un peu. Qu'en dis-tu, jeune fille ? Personne ne viendra t'embêter là-bas, et au pire, le gérant nous cachera."

En disant cela, je repensais à ma soirée de la veille, accroupi sous la table. Non, vraiment. Il n'y a pas à dire. Je me sentais bien là-bas.

Le jeune garçon m'a regardée un moment et puis il m'a proposé de le suivre. Il disait se diriger vers un restaurant, il avait l'air de connaître le patron de se restaurant et d'après lui c'est un endroit tranquille. Ça me semblait bien, s'il disait vrai c'était parfaitement le genre d'endroit où je pourrais aller me cacher en attendant que les policiers m'oublie un peu, ils iraient pas me chercher dans un restaurant, ils pensent que je m'enfuis toujours pour essayer de leur échapper. J'ai observé le garçon et j'ai acquiescé, j'étais d'accord pour le suivre même si je sais bien qu'il ne faut jamais partir avec un inconnu comme ça, c'est encore un jeune homme, je pense que je n'ai rien à craindre de lui, il me semble sincère, je vais lui faire confiance. Je me suis approchée de lui, histoire d'être assez proche pour qu'on paraisse se connaître et je lui parlais, ça attirait moins l'attention.

" Je vous suis alors ! "

Il m'a aussi proposé que l'on discute, il devait peut-être se demander pourquoi est-ce que je voulais me cacher et pourquoi est-ce que je courrais, après tout je lui étais rentré dedans alors ça ne m'étonne pas...

Une fois la jeune fille à mes côtés, je lui tendis le bras, afin qu'elle le prenne. Nous aurions sûrement l'air plus proche ainsi, et cela permettrait de discuter sans attirer les regards des passants. Je pris donc la direction du restaurant de Judas tout en engageant la discussion.

- Je m'appelle Sylph, commençais-je. Et toi ?

Je la regardai et lui souris. J'espérai la mettre en confiance. Cela dit, elle avait déjà accepté de me suivre. C'était un très bon début, pour moi en tout cas.

Il m'a prise par le bras. Il était vraiment doux et gentil avec moi et ça semblait vraiment sincère, j'avais eu de la chance de tomber sur lui, j'aurais pu me retrouver face à quelqu'un qui aurait voulu me dénoncer à la police par exemple. Du coup j'ai serré son bras et je lui ai souris, j'étais vraiment contente d'être sortie du laboratoire mais je n'avais pas vu le monde extérieur depuis tellement longtemps que je m'émerveillais presque à chaque fois que je voyais un joli bâtiment ou une vitrine attrayante... Il m'a dit son nom. C'était un nom de noble, c'est l'impression que ça me donne ! Peut-être même que j'avais raison en me disant que c'était un bon parti ! Sylph D'Ethérion, je tâcherais de m'en souvenir, ça ne devrait pas être difficile. Je lui ai répondu toujours aussi poliment, on m'a appris les bonnes manières au laboratoire, même si ça ne m'aurait jamais servi si je n'étais pas sortie de là-bas.

" Moi, c'est Molly. "

Je lui souriais toujours. Je lui ai donné juste mon prénom parce que mon nom de famille ne lui serait sûrement d'aucune utilité, ma famille n'est pas Centriste, ça ne doit pas être un nom courant ici. Et puis si jamais il le faut je lui dirais plus tard, pour l'instant mon prénom lui suffira je pense !

Nous continuâmes de marcher. Le restaurant n'était plus très loin, et Molly semblait s'émerveiller de toutes ces vitrines lumineuses. A bien y réfléchir, je ne devais pas être bien différent hier soir. Même ce soir, en fait. J'avais l'impression de me retrouver en elle. Une fois que nous nous fûmes présentés, je décidai de rentrer dans le vif du sujet.

"Excuse-moi si c'est trop indiscret, mais que fais une jeune fille comme toi seule dans les rues du Centre, si tard ? Tu avais l'air bien pressée tout à l'heure."

En lui posant la question, je relevais la tête pour voir où nous en étions. J'apercevais la devanture du restaurant quelques pas plus loin, toujours aussi chaleureuse, avec la même ardoise posée sur un trépied. Elle indiquait le menu du soir. En entrée, une salade de légumes, suivie d'un plat de poisson, et d'un dessert au nom étrange. Je ne connaissais pas, mais ce ne devait pas être mauvais. Je me fis la refléxion qu'il faudrait que je demande à Judas ce que c'était. On ne m'en avait encore jamais servi au château.

Molly n'avait donc même pas eu le temps de répondre que je poussais la porte devant moi et la tenait en lui faisant signe de rentrer. Il y a des règles de politesse élémentaire à ne jamais bafouer. Tenir une porte à une demoiselle en faisait partie.

"Nous y sommes ! Après toi."

Molly eut l'air surprise de mes manières et entrai dans le restaurant avec un semblant de satisfaction et d'embarras. Un serveur vint nous accueillir, mais ce n'était pas Judas. Lorsqu'il me demanda si nous avions réservée une table, je lui dis que non, mais que M.Ashmore nous attendait. Je préférai éviter de donner mon nom à n'importe qui, surtout à un serveur. Je n'aimerais pas qu'une rumeur d'un D'Ethérion se promenant dans les rues tard le soir arrive aux oreilles de mon oncle ou d'Ilian.

Le serveur ne sembla pas faire d'histoire et nous trouva une table pour deux personnes, où nous pûmes nous assoir. Je tirai la chaise afin que Molly puisse s'assoir, et nous reprîmes la conversation là où elle s'était arrêtée. Le temps que le serveur nous apporte les cartes, elle me glissa la raison de sa précipitation. Et sa phrase fut pour le moins percutante.

Je cachai au mieux ma surprise. J'avoue que je ne comprenais pas très bien. Que faisait-elle dans un laboratoire à son âge ? Pire que cela. Pourquoi devrait-elle s'enfuir d'un laboratoire ? Je ne voyais qu'une solution, et le seul fait d'y penser me parût immonde. Quel genre d'expérience pouvait-on vouloir mener sur une jeune fille ? Les questions commençaient à se bousculer. Qu'est-ce qui pouvait rendre Molly si spéciale au point de devoir l'enfermer ?

C'est le moment que le serveur choisi pour revenir. Il nous donna les menus et je le congédiai aussitôt.

"Pouvez-vous faire venir M.Ashmore s'il-vous-plait ? J'aimerais que ce soit lui qui prenne nos commandes. Cela nous laissera certainement le temps de choisir ce que nous désirons."

Le serveur hôcha la tête et s'en alla aussi rapidement qu'il était arrivé. Je me tournais à nouveau vers Mölly. Elle avait été franche avec moi, je pense qu'il était mieux d'aller droit au but plutôt que de garder toutes ces interrogations pour moi.

"Tu t'es enfuie d'un... laboratoire ? Mais comment ça ? Tu veux dire... Tu y travaillais ? Ou alors, ils travaillaient sur toi ? Pourquoi ? Et puis comment as-tu réussi à t'échapper ?"

Je m'attendais à tout et n'importe quoi en guise de réponse. Rencontrer une petite fille à 10H00 du soir était déjà inhabituel en soi. Voilà qu'en plus elle s'échappait d'un laboratoire ! En quittant le château, je m'attendais à retrouver une vie normale. A ce stade, elle pouvait aussi bien être un mutant qu'une réincarnation divine, cela m'aurait paru presque normal. En fait, c'était pire que ça. Sans m'en rendre compte, j'étais passionné par son histoire. Elle avait réussi à attirer mon attention. Elle représentait la dose d'aventure dont j'avais toujours rêvé, l'action dont j'avais été privé pendant si longtemps. Je voulais lier mon histoire à la sienne, et la comprendre.

Il essayait de faire comme si ça ne le choquait pas mais ça se voyait quand même qu'il était surpris. Il avait l'air de se poser encore une fois tout un tas de questions. Moi, je l'observais, mais j'ai rien pu ajouter parce que le serveur est revenu vers nous pour nous donner les menus. J'ai pris le mien dans mes mains pendant que Sylph demandait au serveur de prévenir un certain Monsieur Ashmore, celui dont il avait déjà prononcé le nom un peu plus tôt à notre arrivée. C'est sûrement le gérant dont il a parlé, celui qu'il connaissait ! Du coup l'homme est reparti comme il est venu et Sylph s'est remis à regarder dans ma direction. Il m'a posé des questions. Il ne semblait pas comprendre pour le laboratoire et ça m'a étonnée, normalement les Centristes sont tous au courant qu'il se trame des trucs pas nets là-bas, à ce que j'ai cru comprendre, mais d'où est-ce qu'il sort celui-là...? Bon il devait bien savoir pour ... Je me suis mise à parler encore plus bas qu'avant.

" Je suis une alchimiste... "

Ça, il devait forcément être au courant, les alchimistes sont soit chassés et tués soit envoyés dans des laboratoires, en général les plus jeunes d'entre eux. Les plus âgés ont au moins la chance de pouvoir mourir et de ne pas subir les horribles expériences auxquels nous, nous avons eu droit.

J'étais dans une pièce derrière le restaurant, pas loin des cuisines où se trouvait mon bureau. J'étais en plein dans mes papiers quand un de mes employés, le petit Luka Zviaguintsev-Kozlov, celui qui vient travailler à mi-temps après ses cours, est arrivé. (Voui, un de mes persos travaille ici!) Je lui ai demandé s'il avait besoin de quelque chose et il m'a expliqué qu'un client désirait me voir et qu'il voulait que ce soit moi qui prenne sa commande. J'ai sourit, je lui ai dit que j'allais y aller et qu'il pouvait retourner en cuisine, qu'on aurait sûrement besoin de lui. C'est un gars vraiment adorable, il adore la cuisine et il vient toujours aider pour cuisiner ou pour servir les clients, je sais qu'il est déjà très occupé par ses cours et par son "tuteur" alors je ne le retiens jamais beaucoup et je le paye quand même plutôt bien.

Je me suis levé de mon bureau, j'ai enfilé un tablier de serveur et je suis sorti. J'ai cherché des yeux dans la salle, j'ai revu le jeune D'Ethérion un peu plus loin à une table, je suppose que c'est lui qui m'a demandé puisqu'il avait dit qu'il reviendrait aujourd'hui. Il était accompagné d'une fillette d'une dizaines d'années aux cheveux noirs. Je me suis approché en souriant.

" Bonsoir, jeune homme... et jeune demoiselle ! "

J'ai regardé la petite, elle me disait rien, tout comme le jeune Sylph il y a à peine une journée, je l'avais jamais vue par ici et elle n'avait pas l'air d'être Centriste, vu la couleur de sa peau, un peu bronzée, je dirais qu'elle vient soit du Sud soit de l'Ouest, mais je ne suis pas sûr...

Une... Alchimiste ? Je pensais que c'était des légendes pour les enfants, toutes ces histoires. Je me souviens qu'un jour, en trainant dans la bibliothèque, j'avais attrapé un livre qui en parlait. Ilian m'avait aussitôt repris le livre des mains, disant que ces balivernes n'étaient plus de mon âge. Dans les jours qui suivirent, mon oncle avait d'ailleurs fait enlevé tout un pan de la bibliothèque. Il l'avait fait transporté dans une autre aile du château, celle où il travaille et reçois diverses personnes très importantes. Je n'en avais plus jamais entendu parlé depuis.

Mais je n'avais pas eu le temps de froncer les sourcils que Judas venait d'apparaitre.

"Bonjour, Judas", commençais-je naturellement. "Je te présente Molly. C'est une nouvelle amie qui a aussi besoin de se cacher. Du coup, je l'ai amenée ici. Ca ne te dérange pas, j'espère ?"

Je laissais le choix à Molly d'en dire plus sur sa situation. Mieux vallait éviter une erreur. Elle ne semblait pas très à l'aise avec sa nature d'alchimiste. Je préférais attendre qu'elle m'éclaircisse sur la situation.

C'était étrange, mais cela me rassurait. Molly n'avait pas parlé du laboratoire cette fois. Ni d'alchimie. Simplement de fugue. J'avais certainement bien fait de ne pas en dire plus. L'offre de Judas me paraissait raisonnable, d'autant plus qu'Ilian pouvait tout à fait décider de revenir ce soir. Et si c'était le cas, cela m'éviterait d'avoir à me cacher. Et 'jétais curieux de voir à quoi pouvait bien ressembler le bureau d'un gérant de restaurant.

Je me tournai dans la direction de Molly :

"Cela me semble une bonne idée, tu pourrais finir tes explications sur... Enfin... Tu vois..."  

Je regardai Judas à nouveau, afin de lui demander le même thé que la veille.

"Pourrais-tu me préparer le même thé qu'hier s'il-te-plait ? Il était délicieux mais... Comment dirais-je ? Un peu court, en temps de dégustation."

Je me mis à sourire en repensant à cette scène si ridicule.
"Je te le conseille Molly, c'est un très bon thé. Si jamais tu aimes ça, il te raviera."

J'allais proposer à Molly de lui payer son thé, après tout, j'avais ramené bien assez d'argent. Et puis soudain, je remarquais que peut-être avait-elle non seulement soif, mais surtout faim ? Pendant que Judas s'était donc absenté, je lui proposais aussi de lui payer un repas.

"Tu sais, j'ai largement assez d'argent? Je peux même te payer un repas, si tu veux. Tu n'as pas faim ? Je veux dire... Un alchimiste... Ca mange aussi, non ? Je ne sais pas. C'est la première fois que j'en entends parler."

Molly affichat une expression à la fois surprise et perplexe. On voyait qu'elle réfléchissait beaucoup, malgré son jeune âge. Avais-je dit quelque chose de mal ? Depuis qu'elle me parlait, tout lui paraissait évident. J'avais l'impression que le mot alchimiste aurait du me paraitre clair, et répondre à toutes mes questions. Pourtant, ce n'était pas le cas.

"Tu sais, j'ai vécu enfermé dans un château pendant près de 6 ans, et même avant cela, je n'étais pas très au courant de ce qu'il se passait dans le monde..."

L'histoire de Molly m'avait choqué. C'était terrible. Qu'est-ce que les alchimistes pouvaient avoir de si dangereux pour qu'on veuille les éliminer les étudier ? Elle n'était qu'une petite fille, adorable de surcroît. Et quelque part, je m'en voulais de ne pas être au courant de cette situation. Je commençais à prendre toute la mesure de ma coupure avec le monde réel.

Je mis une main sur l'épaule de Molly, en signe de compassion, et pour une raison étrage, je me senti obligé de la prendre finalement toute entière dans mes bras. Aucune différence ne devrait justifier de séparer une mère de sa fille par la mort.

"Ca ira maintenant, tu es avec moi, et je vais t'aider."

Elle ne pleurait pas. Comment était-ce possible ? Quelles atrocités avait-elle du traverser pour en arriver à ce stade émotionnel là ? Je ne voyais en elle qu'une fille seule qui gardait tout pour elle. Je ne pouvais pas la laisser comme ça, c'eut été inhumain.

C'est à ce moment que Judas revient, le thé sur un plateau, accompagné de deux tasses.

"Excuse-moi Judas, mais cette petite a sûrement très faim. Pourrais-tu faire amener... "

Je me tournais Mölly pour lui demander ce qu'elle aimerait.

"Par contre Judas, reste. Je crois que tu devrais écouter son histoire."

Au début j'ai fais comme si je n'avais rien entendu, je ne préférais pas m’immiscer là dedans, les histoires des alchimistes... En général, ils préfèrent les garder secrètes plutôt que de savoir que tout le monde est au courant, c'est plutôt dangereux pour eux... Du coup j'ai servi les tasses de thé tout à fait normalement jusqu'à ce que Sylph me demande si je pouvais préparer quelque chose à manger pour la petite, c'est vrai qu'elle n'avait pas l'air en forme, comme si elle avait trainé dans la rue quelques jours et qu'elle avait peu mangé. Après tout s'il s'agissait d'une alchimiste ça faisait sens...

Avant que j'y aille, Sylph m'a a nouveau interpelé, il m'a demandé de bien vouloir écouter l'histoire de la petite... Il l'a ensuite regardée en attendant de voir si elle voudrait bien parler surement... Elle m'a raconté la même histoire qu'elle venait de raconter à Sylph, je l'ai écoutée me le dire de vive voix, en silence, en prenant le temps d'y réfléchir dans ma tête.

" ... Je vois. "

J'ai croisé les bras sur mon torse, l'air pensif.

" Il va falloir cacher cette petite. "

Sylph n'avait pas l'air très bien renseigné, mais ça me paraissait normal vu sa propre histoire, à lui...

Judas avait raison. Il fallait la cacher, au moins le temps qu'elle se fasse oublier. Il nous fallait un endroit caché... Isolé du monde... Ou personne ne viendrait la chercher. Si seulement je connaissais un endroit comme c.... Mais en voilà une idée !

J'esquissais un sourire, car l'idée me plaisait d'avance. Ca serait peut-être un peu délicat, mais j'étais certain que nous pourrions y arriver.

"Pourquoi ne viendrais-tu pas chez moi ? je veux dire, au château. Nous avons de nombreuses pièces inutilisées. Ca ne sera pas bien difficile de t'y cacher. Et personne ne s'attendra à ce que tu y sois. C'est le plan parfait !"

Non seulement je me faisais une amie à l'extérieur du chateau, mais voilà qu'en plus, je l'y ramenais. Il faudrait trouver un moyen de la cacher d'Ilian, ce serait le plus difficile, mais loin d'être impossible.

"Tu verras, Mölly, tu ne t'ennuieras pas au château. Par contre, il faudra faire attention à ce qu'on ne te voit jamais. Il faudra suivre à la lettre mes indications."

Je sentais en elle une capacité incroyable à tout mémoriser. Son attention et sa vitesse de compréhension étaient si impessionnants. Du coup, je continuais mes explications. Les couloirs, la bibliothèques, les domestiques, leurs horaires respectifs, la salle de bal et la sortie secrète du château, le sceau familial pour l'enclencher. Rien ne semblait lui poser soucis !

Judas rentrai alors dans la pièce. Il avait été d'une rapidité à toute épreuve. On pouvait voir en lui tout l'épanouissement que lui apportait son métier. La nourriture avait du sens pour lui, et il devait connaitre une quantité de recette à en faire frémier les plus grands chefs.

" Eh bien, ça c'est du rapide ! Bravo Judas ! "

" Merci beaucoup ! "

Maintenant que Judas proposait son aide, il y avait bien une chose dont nous allions avoir besoin. Si Mölly voulait circuler à sa guise et sortir du château, il allait lui falloir un sceau pour activer le passage secret. Mais pour cela, il nous faudrait un artisan bijoutier. Et de préférence, plutôt quelqu'un de discret.

"Dis-moi, Judas, sais-tu où je pourrais trouver un bijoutier ouvert à cette heure-ci ?"

La demande devait paraitre étrange, pour ne pas dire complètement décalée. A vrai dire, cela pouvait bien attendre demain ou après-demain, mais le plus tôt serait le mieux.