J'avais passé la nuit au port, sur un bateau que je ne connaissais pas, et dont je ne connaissais les propriétaires.
La veille, alors que je vendais de la marchandise, un des types m'a gentiment piqué avec de l'héro sans que je le veuille, j'ai frôlé l'overdose. J'avais pourtant jamais rien touché, aucune drogue. Bref. Ils ont piqué mon stock et m'ont balancé par dessus la digue. Pas de chance pour eux, j'étais tombé la, sur un bateau. Un putain de bateau!
Je me suis redressé, un mal de tête inimaginable. J'ai regardé mon bras malgré ma tête qui tenait pas bien droit. C'était pas beau à voir. La seringue devait pas être neuve, à coup sur.
Je me suis laissé tomber en arrière. J'avais l'impression d'en vouloir encore.. J'ai regardé le ciel, les oiseaux, et j'ai ris.

C'était le matin. Deux jours après cet incident dont je me rappelais assez vaguement ; après lequel je m'étais retrouvé à l'hopital. Mais moi, mon boulot, c'est ma vie ; je n'étais pas arrivé là où j'étais en prenant des congés pour le moindre ongle incarné. Alors j'étais de nouveau là, sur le terrain. Je n'avais pas le droit aux grosses affaires, mais je bossais.
J'ai ronchonné parce que du sable rentrait dans le bandage de ma cheville. Je marchais avec une canne ; l'articulation marchait mal, mais je pouvais à peu près poser le pied. Et puis, avoir mal, c'était mon lot quotidien, alors j'allais pas me balader avec des béquilles. Je suis monté sur ce bateau, pour aller "déloger un clodo". J'avais mal, c'était dur. Ma prothèse tirait, parce que je me hissais à la force des bras. Quand je fus sur le bateau, j'ai regardé le clodo.

- Keiran ...

J'avais dit son nom avec un petit sourire. Bon, heureusement que c'était moi qui étais venu.

J'étais mort de rire, pour rien. Juste parce qu'un oiseau m'avait survolé. J'ai posé ma main sur mon front, et j'ai vu une ombre à coté de moi.
J'ai levé les yeux pour essayer de voir derrière moi, en restant allongé. Plus la peine, il m'avait appelé. C'était Elyas.

- J'en veux encore...

J'ai voulu m'asseoir à côté de lui. Mais je ne pouvais pas contrôler mon poids sur un pied si je n'étais pas debout ; alors je me suis plutôt laissé tomber à côté de lui. J'ai écarté ses cheveux de son front, le regardant.

- Tu veux encore de quoi ?

J'en avais une vague idée. Des mecs en trip, j'en avais tout le temps. Je reconnaissais facilement tous les genres ; au comissariat, on en faisait des paris, des fois. Reconnaître le produit à partir de l'état du mec. Là, j'aurais dit héroïne, et je me trompais rarement.

- J'ai pas fais exprès.. C'pas moi... J'te l'jure!

J'ai tendu mon bras en l'air, pour regarder ma veine gonflée.

- Owh...

J'ai caressé ses cheveux ; je le regardais, inquiet, et peiné.

- D'accord, je te crois ...

MAis je ne savais pas si c'était vrai. Peut être qu'au fond, j'avais peur qu'il soit tombé là dedans. Vu son bras, la seringue devait pas être terrible. J'avais envie de l'emmener à l'hopital ; dés que ça le concernait, j'avais beaucoup de mal à rester calme. J'essayais de rester impassible, de ne pas montrer les tempêtes qui m'agitaient.

- On va rentrer Keiran ...

J'ai roulé sur le coté, pour pouvoir le regarder.

- Ou... C'est ouuuu qu'on t'a tiré dessuuus? C'est ouuu que je dois pas te tapeeeeer?

Je ne savais pas si je devais répondre. Il était défoncé. Mais Keiran restait Keiran, j'allais pas l'ignorer même s'il était dans un triste état. J'ai montré les deux points sur ma poitrine.

- Là, et à la cheville.

J'ai caressé ses cheveux.

J'ai viré sa main.

- Abrutis...

Je l'ai regardé, fronçant les sourcils. Là, c'était Keiran.

- Pourquoi ?

- T'es qu'un abrutis !

J'ai roulé de l'autre coté, pour plus le voir.

Je l'ai re-retourné, parce que je pouvais pas me déplacer pour me mettre de l'autre côté. Je voyais déjà pas comment j'allais me relever.

- Peut être. Si c'était à refaire, je ferais la même chose, tu sais.

Si avoir aidé Jun faisait de moi un abruti ... J'étais fier de l'être.

Je l'ai poussé, je voulais pas qu'il me touche.

- T'aurais pu crever merde!

J'ai fait non de la tête.

- J'ai un métier risqué. Toi aussi.

Je lui reprochais pas d'être certainement tombé dans un piège et de s'être fait droguer. Pourtant, c'était pas l'envie qui manquait.

- Tu m'as fait peur putain...

J'ai essuyé mes yeux qui commençaient à me brouiller la vue.

Cette fois, j'y arrivais plus. Je l'ai pris contre moi, même si ça faisait mal.

- Je suis désolé mon chéri ...

J'ai caressé ses cheveux.

J'ai caché ma tête dans son cou.

- Si tu meurs je te le pardonnerais pas...

J'ai sourit, profitant qu'il ne pouvait pas me voir. C'était le principe, oui.

- Je vais pas mourir. T'inquiètes, tu m'auras sur le dos encore longtemps.

- Elyaaaaaaas... J'en ai besoin....

Je me suis gratter le bras, ça faisait mal, mais ça me démangeait terriblement

Je l'ai serré fort contre moi.

- Je suis désolé ... Je peux rien faire.

Je m'en voulais d'être aussi inutile. En plus, je ne voulais pas qu'il se drogue.

- J'en veux... Juste un peu... Un tout petit peu..

J'ai commencé à m'arracher la peau en me grattant.

J'ai bloqué sa main.

- Arrête Keiran. De toute façon, tu n'en auras pas. C'est mauvais pour toi.

J'ai relevé sa tête.

- Tu veux me garder, non ?

Je l'ai embrassé.

Je l'ai laissé faire.

- Mais.. J'en ai besoin...

Evidement que non.. J'avais juste envi de penser à autre chose. J'étais en manque, après une seule injection.. C'était lamentable.

Je l'ai regardé dans les yeux.

- Tu n'en as pas besoin. Sauf si tu te droguais avant, mais j'espère que non, sinon ça voudrait dire que tu m'as menti.

J'ai un peu souri. Mais je n'aimais pas, mais alors pas du tout le voir comme ça.

Je me suis redressé. Je l'ai regardé en secouant la tête.

- J'me drogue pas! ...

Je me suis levé, j'ai zigzagué et je suis tomber à la flotte. C'était beau vu d'en bas. Et plus je coulais, plus c'était beau.

J'ai paniqué direct. Je me suis relevé en précipitation, me tordant la cheville au passage. Et voyant qu'il remontait pas, j'ai plongé. Il coulait, profond ; et ma prothèse avait beau être waterproof, la pression, c'était pas son truc. Je l'ai remonté avec beaucoup de mal ; mon bras était complètement foutu. Je l'ai hissé sur la plage. Du sable ; j'ai toujours haï le sable. Puis je l'ai mis sur le dos, vérifiant qu'il respirait, soupirant de soulagement quand j'ai vu qu'en effet, il respirait.

J'ai recraché de l'eau.

- Beurk...

Je l'ai regardé, sans vraiment réaliser ce qui c'était passé.

J'ai dégagé mes cheveux de mon visage; de ma main droite évidemment, puisque tout mon bras gauche était foutu.

- Putain Keiran ...

Je me suis arrêté là pour les reproches, me calmant presque direct.

- ça va ? Tu m'as fait peur, imbécile ...

J'ai encore recraché de l'eau.

- Je veux un cachet... J'ai mal à la tête.....

Je regardais de nouveau le ciel.

- T'as peur?

Je lui ai filé deux anti douleurs que j'avais dans ma veste. Heureusement que ça, c'était étanche.

- Tiens, ils marchent bien.

J'avais envie de le prendre contre moi, mais avec un bras, ça allait être dur, alors il fallait pas que je le fasse.

- J'ai tout le temps peur pour toi.

- Merci!

J'ai pris les cachets et les ai avalés. J'ai légèrement toussé.

- Ah ouais? Je fais pas peur pourtant... Ah non! Pour moi?! Mais.. Je te demande pas d'avoir peur.. Si? Ah mais tu me perds là...

J'ai fait non de la tête.

- Calme toi ...

Je l'ai pris dans mes bras, d'un bras. Enfin, vu son état, il ne remarquerait pas mon bras.

Je l'ai serré fort contre moi.

- Mon Elyas...~

Je l'ai regardé.

- T'es sur que je peux pas en avoir..? Rien qu'un tout riquiqui peu? ...

J'ai froncé les sourcils.

- J'ai dit non. Tu ne deviendras pas un junky. Hors de question.

J'ai posé ma tête contre lui ; j'en avais marre de me battre. Trop crevé pour faire ça. En plus, j'avais paumé ma cane, dans cette histoire. J'allais avoir un mal de chien à rentrer.

- Je suis mort de toute façon.. Je peux pas les rembourser.

J'ai caressé sa nuque.

- Alors c'est pas si grave.. Une seule fois.. Une dernière..

J'ai un peu rigolé.

- Je serais caput avant d'être Junky..

Je me suis écarté de lui aussi vite que je l'avais pris dans mes bras.

- T'arrêtes tes conneries !

J'ai essayé de le relever, à un bras, c'était foutu.

- Maintenant tu vas te mettre debout et m'aider à rentrer à la maison. On règlera ton problème là bas.

Je lui ai jeté un regard noir, pour masquer et mon inquiétude et ma douleur.

- Si tu meurs, je te tue.

- T'es vraiment pas drôle...

Je me suis levé, difficilement. Le sol me paraissait moins stable que l'eau...

- Je sais pas si.. Ooooooh il est jolie ce cailloux !

J'ai fait non de la tête. Et dire que je devais compter sur lui ... J'allais le faire tomber si je m'y accrochais. Alors je me suis relevé seul, avec un bras et ma cheville qui était peut être fracturée. J'avais pas le choix.

- Allez, on y va Keiran.

La douleur amenuisait ma patience vis-à-vis de la situation. Certes ce n'était pas sa faute, mais j'avais le droit d'être en colère, tant que ce n'était pas spécialement contre lui.

J'ai sorti mo téléphone de ma poche.

- ...... Mon écran!!

Ecran cassé. Il marchait toujours, mais la fissure m'empêchais de voir la moitié de l'écran, pas très pratique.
Je l'ai laissé tomber, sans le vouloir. Le sable à amorti la chute, mais le téléphone à réussi à s'ouvrir en deux. J'ai regardé un cachet rouler dans le sable, il était caché dans mon téléphone.

- Oh tient... J'avais zappé...

Je l'ai pris et l'ai avalé.

J'ai regardé le cachet.

- Qu'est ce que c'est ?

J'étais suspicieux, odieux, mais il était chiant, aussi ; et ce même si c'était pas sa faute s'il était dans cet état. Parler avec un mec défoncé m'avait toujours rendu désagréable à souhait, alors quand en plus ce mec est MON mec ... Encore bien pire.

J'ai passé ma main sur mon front.

- Oh putain...

Je me suis frotté les yeux. J'y voyais déjà mieux.

- Je pensais pas que c'était si puissant..

Je l'ai regardé. Encore une fois, il m'ignorait. J'allais finir par le frapper, vraiment.

- Réponds moi, merde !

ça pouvait être une autre drogue. Si c'était le cas, je partais sans lui.

- Merde !

Je marchais beaucoup plus droit. J'ai passé son bras sur mon épaule.

- Je te ramène chez toi.

Je l'ai regardé, me demandant ce qu'il s'était passé. Il avait l'air tout à fait normal, d'un coup.

- Oui, il faut qu'on rentre. Est ce que ça va mieux ...?

Heureusement, il avait pris le bon bras, je pouvais à peu près m'appuyer sur lui ; ce que je ne faisais pas, parce qu'un instant avant, il s'extasiait sur la beauté des cailloux, alors j'avais pas tellement confiance en son équilibre.

- J'ai juste envie de gerber. Ca va.


Je me suis mis en route. Je ne l'ai pas regardé, j'étais à la fois en colère, et à la fois reconnaissant. Je voulais et le frapper et l'embrasser, c'était étrange.

J'ai soupiré, soulagé.

- Super ...

Au moins, il était dans son état normal. Je me suis donc appuyé sur lui, finalement. sinon, impossible de marcher.

- Super? .... Super?!

J'ai soupiré, j'avais vraiment pas la tête à gueuler.

J'ai marmonné.

- Plus super que quand tu es défoncé, oui.

J'avais pas spécialement envie qu'on s'engueule, mais je pouvais pas sourire et dire amen alors que j'avais eu peur, que j'avais refoulé ma colère un petit moment, et qu'àcause de lui mon bras était foutu, parce qu'il se serait laisser crever.

- C'était pas voulu. Ok? Moi j'ai pas voulu risqué ma vie comme toi.

Il avait vraiment de la chance d'être en un seul morceau, sinon je lui aurais fait bouffer celui qu'il avait perdu.

Je me suis retenu d'exploser.

- Alors tu veux que je laisse tomber ceux à qui je tiens ? Si je faisais ça, je ne sais pas si Jun serait encore là, mais une chose est sure, toi, tu ne le serais plus. Je suis fier de risquer ma vie pour le bien des autres et ça m'attriste que tu me le reproches.